Lorsqu’en 1905, le journal « L’Auto » crée la traversée de Paris à la nage, dans le monde des sportsmen de l’époque, on trouve l’idée insensée et surhumaine. Depuis cette première traversée, ce sont des centaines de nageurs qui ont participé chaque année avec succès aux traditionnelles traversées de Paris prouvant que nager 12km constitue un effort très ordinaire. Aussi quand en 1924, le même journal « L’Auto » annonce la création d’une grande épreuve d’endurance entre Corbeil et Paris, « on se contente de sourire ». (Source « L’Auto » du 29 juillet 1925) Le « Marathon Nautique », c’est ainsi qu’a été dénommée cette nouvelle course de grand fond d’une distance de 40km. Cette épreuve est organisée par la Ligue nationale de Natation et son président Léon Manaud, collaborateur au journal « L’Auto ». Autant dire que cette épreuve est considérée comme réservée aux professionnelles. Le départ est prévu le samedi 2 août à 23h à l’écluse de Coudray, située à 5km en amont de Corbeil et l’arrivée est attendue le dimanche 3 août au bassin de l’Hôtel de Ville de Paris. Le problème sur un tel parcours est le passage des écluses de Soisy sous Etiolles, d’Albon et de Port à l’Anglais.
L’organisation a tout prévu pour assurer la sécurité des nageurs. A ces différents points de passages des postes de secours et une organisation spéciale sont mis en place pour permettre aux concurrents de franchir les barrages en accomplissant que quelques mètres à pied. (« L’auto » 29 juillet 1924) Les nageurs auront à grimper un escalier placé en amont puis à redescendre à l’eau par un escalier spécial. « Il est interdit aux concurrents, sous peine de disqualification de s’arrêter ou de prendre de la nourriture ou des soins au moment du débarquement » (« L’auto » 1 aout 1924)
D’autre part les concurrents sont convoyés par un « bachot », petit bateau à rame, avec à bord un rameur, un commissaire et un soigneur. Chaque bateau est équipé d’un projecteur « Magondeaux » afin de permettre de suivre le nageur la nuit. (« L’auto » vendredi 25 juillet 1924)
Cette course est annoncée comme pouvant être un test ou une épreuve qualificative aux prétendants de la Manche. La distance de 40km à accomplir correspond à quelque chose près à la traversée de la Manche, mais avec cette différence qu’il n’y a pas de courant et de grosses vagues à affronter. Ceux qui terminent cette course sont des candidats sérieux pour le Détroit. Une telle épreuve n’est donc pas ouverte à tous et l’organisateur est obligé de refuser des centaines d’inscriptions qui lui parviennent au siège du journal « L’auto ». Seuls des nageurs qui depuis longtemps ont fait leurs preuves dans le domaine de la natation de grand fond, peuvent être sélectionnés pour participer. Ils ont en plus l’obligation de passé devant une commission médicale qui elle seule peut les autoriser à participer.
Le samedi 2 août 1924, toute la ville de Corbeil est en fête. Sur les quais fleurissent des guirlandes et des oriflammes. A la nuit tombante des lampions illuminent la rive droite près du Cercle Nautique de Corbeil où vont se dérouler les principales animations. A 20h30, la berge est noire de monde. Pour faire patienter le public, la musique fait rage et un feu d’artifice illumine le ciel de Corbeil. Du balcon du Cercle Nautique, Leon Manaud présente les huit concurrents longuement acclamés : Paulus, Burgess, Bébé Lavogade, Géo Michel, Chrétien, Helmy (nageur égyptien), Pouilley, Lardet.
A une heure du matin, les barques des concurrents dans lesquels ont pris place les commissaires et soigneurs, se regroupent. A bord du « Lutetia », un coup de pistolet est tiré. Le premier Marathon Nautique, est commencé. Sept concurrents sont partis. L’excellent nageur égyptien Ispack Helmy est resté sur la ligne de départ déclarant ne pas vouloir participer aux différents prix. Il compte partir un quart d’heure après afin de conserver sa qualité d’amateur et éviter les foudres des Fédérations. Avec l’accord du commissaire général, il ne court pas avec les autres concurrents et part à 1h12…
A 13 heures et 3 minutes, Chrétien atteint l’échelle de l’arrivée et devient ainsi le 1er vainqueur du « Marathon Nautique ». Il a couvert les 40km en 12h03’ correspondant à une vitesse de 3,234 km/h.
Trente minutes après l’arrivée du premier, c’est au tour de Michel de grimper à l’échelle. Suivent ensuite Lardet, Lavogade et Burgess, puis très très loin derrière l’égyptien Helmy. Il arrive 6 heures après l’arrivée du premier. Le nageur, amateur, annonce qu’il a entrepris ce Marathon à la seule fin de s’entraîner pour la traversée de la Manche et son objectif était de terminer. C’est curieux que ce nageurs qui va devenir forcement professionnel s’il entreprend de traverser la Manche déclare au départ ne pas vouloir participer aux différent prix. A lui seul, il résume toutes les incohérences de l’époque sur le statut d’amateur et de professionnel.
Au final, « Le premier Marathon de Paris de l’Auto a connu le triomphe » (« L’Auto » 5 août 1924) grâce à une organisation sans faille de la Ligue Nationale de Natation. Pour l’épreuve il a fallu mobiliser : « Un bateau parisien, trois pétroliers, une motogodille, trente bachots, quarante projecteurs Magondeaux, quatorze voitures automobiles, deux ambulances, cinquante infirmiers et deux cent cinquante commissaires. Grâce à tous ces dévoués, l’organisation fut parfaite, le succès fut triomphale » (« L’auto » 5 août 1924)
Il y aura 2 autres éditions en 1925 et 1926. Voici les résultats :