Marathon d’IJsselmeer en Hollande (22km)

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Présentation

Jusque dans les années 70, la natation marathon était un domaine réservé aux professionnels. Les distances des épreuves sont généralement supérieures à 25km. Mais après 1970 des marathons réservés exclusivement aux amateurs vont se mettre en place. Ces épreuves sont moins longues et réservées uniquement aux nageurs appartenant à des clubs dont la fédération nationale dépend de la FINA.

Parmi ces traversées il y en a une qui se déroule dans les Pays-Bas. Elle fait partie des plus anciennes épreuves réservées aux amateurs et a su résister avec le temps. Elle a fêté sa 40ème édition en 2009.

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Elle se nage entre les villes de Stavoren et de Medemblik sur une distance de 22km. Dans les années 30, une très grande digue, l’Afsluitdijk, est construite afin de protéger le pays des inondations. Elle a pour objectif de fermer un ancien golfe de la mer du Nord, le Zuiderzee et de le transformer en une immense étendue d’eau douce, aujourd’hui dénommé l’IJsselmeer. C’est dans ce plus important lac des Pays-Bas qu’a lieu la traversée.En 2010, je m’inscris à la 41ème édition de ce marathon international qui a lieu le samedi 14 août. Lors de mon inscription par courriel, j’ai de très bons contacts avec les organisateurs. Les messages sont très chaleureux et j’apprends que la veille et le soir de la traversée des chambres nous sont réservées chez l’habitant pour ma famille et moi (soit 2 adultes, 2 enfants et mon accompagnateur, mon cousin Benjamin). 

Le briefing

Nous arrivons en début d’après-midi devant le Q.G. de la traversée à Medemblik. Il s’agit d’un bar situé juste devant la ligne d’arrivée. Il est tenu par un ancien nageur qui a participé 7 fois à cette traversée. Maintenant il est devenu un des principaux organisateurs de l’épreuve. Nous sommes bien accueillis par les responsables présents mais ils nous font gentiment remarquer que nous sommes très en avance. Le rendez-vous n’a lieu qu’à 19h30, après le dîner. Pour attendre l’heure du briefing, nous allons rencontrer notre famille d’accueil chez qui nous résiderons pendant deux jours. Cela nous laisse le temps de nous installer, de nous promener dans la ville et surtout de manger un bon plat de pâtes. A 19h30, le dîner à peine englouti, nous sommes de nouveau devant l’entrée du bar tout proche de notre maison. Il y a beaucoup de monde. Nageurs, entraîneurs et organisateurs discutent le verre à la main. Les nageurs consomment de l’eau ou des produits énergétiques et les autres de la bière.

Nous sommes invités à nous rendre dans une arrière salle du bar. L’atmosphère ressemble à celle d’un pub irlandais avec sur les murs des affiches, des photos et les trophées de la traversée. Nous nous installons au fond de la salle. A quoi ça sert d’être devant, de toute façon je ne vais rien comprendre à ce qui va être dit. La salle se remplit et le médecin de la traversée vient à ma rencontre, il parle un peu le français et nous servira de traducteur. Il a déjà participé 4 fois en tant que nageur et maintenant il officialise sur la course en qualité de médecin. Là, j’apprends que cette traversée qui ne fait que 22km est considérée comme le championnat de Hollande des 25km. En effet la dureté de l’épreuve est due essentiellement au froid, au vent et aux vagues qui en font une épreuve en réalité supérieure à un 22km. Ce lac immense peut être aussi redoutable qu’une mer déchaînée. Mon ami Jean-Luc en avait déjà fait les frais quelques années auparavant. Avec une forte pluie, un vent de face, des creux de 2,5m et une eau très froide, il a été sorti de l’eau au bout de 7 heures à seulement 1500m de l’arrivée. Il était en hypothermie et inconscient. Dit comme ça, cela risque de ne pas être une partie de plaisir surtout avec une tendinite au coude et les quelques petits entraînements que j’ai dans les bras. A écouter le médecin, il est parti pour ne pas chômer pendant l’épreuve. A bord du voilier qui doit me suivre lors de ma traversée, en plus de mon cousin Benji présent pour me ravitailler, il y aura un juge qui surveillera à tout moment si je suis en capacité de continuer, auquel cas le médecin sera appelé de toute urgence. Sympa comme pression !!!

Ensuite, il y a la présentation des nageurs, des entraîneurs et des pilotes de bateau. Nous sommes au total 14 inscrits dont 4 femmes. Nous sommes seulement deux étrangers (un nageur danois et moi). J’apprends que le temps limite pour la traversée est de 7 heures. Si tout va bien, je pense mettre entre 6 heures et 6 heures 15. Il ne me reste plus qu’à aller jusqu’au bout. Le briefing terminé, nous quittons la salle sans oublier de saluer le médecin et en espérant ne pas avoir à faire à lui le lendemain.

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La préparation

La nuit est très courte car nous avons rendez-vous devant le bar à 6 heures du matin, Le départ en voiture des nageurs, des entraîneurs et des juges vers Stavoren est fixé à 6 heures 30 précises. La personne qui nous héberge est du voyage avec son véhicule pour accompagner des personnes sur Stavoren. Et là, rien à voir avec la Grèce, pas de minutes méditerranéennes en plus. L’heure c’est l’heure et c’est même avant l’heure ! A 5h50, le propriétaire tape à la porte de notre chambre pour nous conduire au lieu de rendez-vous. Nous ne sommes pas encore prêts et sans attendre il s’en va. Il nous laisse en plan dans la cuisine ce qui nous oblige à nous rendre à pied jusqu’au café situé à 500 mètres de la maison. Sur place nous allons patienter quelques instants jusqu’à l’arrivée de tous les participants. Le soleil commence à se lever et la journée s’annonce des plus belles. Les nageurs se concentrent déjà et les organisateurs s’affairent dans tous les sens. A 6 heures 25, tout le monde embarque dans les voitures et c’est le grand départ vers Stavoren. Le trajet va durer plus d’une heure et nous allons passer sur cette fameuse grande digue qui fût achevée en 1933. Cet ouvrage où se trouve l’autoroute qui nous mène de l’autre côté du plan d’eau a une longueur de 32km pour une largeur de 90 mètres. La route est longue et je contemple l’immense plan d’eau dans lequel je vais devoir nager en sens inverse. Il n’y a pas un brin de vent, pas un nuage dans le ciel et il n’y a pas une ride sur le lac. Le plan d’eau n’a rien à voir avec ce qui a été présenté la veille lors du briefing. Je suis un peu plus rassuré !

Un peu avant 8 heures nous arrivons dans le petit port de Stavoren. Alors que les officiels font un dernier point et boivent le café, les nageurs et leurs entraîneurs sont à la recherche de leurs voiliers alignés le long des 2 pontons du port. Je suis à la recherche de celui en possession du numéro 9 correspondant à mon numéro de participant. Il est introuvable malgré mes passages répétés sur les deux pontons. Je demande en anglais à un autre nageur de me donner un coup de main. Il y a un voilier sans numéro et sans personne sur le pont. Le nageur crie en hollandais et soudain quelqu’un sort du bateau. C’est bien lui le numéro 9. Je monte à bord et avec mon cousin nous faisons connaissance avec le pilote et son épouse qui nous offrent le café de bienvenue. Pendant que je dépose mon matériel et que je commence à me mettre en maillot, le pilote installe le fameux numéro sur son voilier. Il est un peu plus de 8 heures et c’est le moment du graissage. Il est hors de question de le faire à l’intérieur du bateau et je rejoins donc les nageurs dans un hangar à poissons ouvert pour l’occasion. Au sol est posée une grande bâche pour éviter de salir. Muni de gants en caoutchouc, je commence à me tartiner de crème solaire car la journée s’annonce chaude et ensoleillée. Je vais ensuite me mettre de la graisse sous les aisselles et sur la nuque. Pas besoin d’en mettre plus, la température de l’eau est annoncée à 19°C. L’ambiance est détendue et les nageurs discutent entre eux. Ils savent que la traversée va être moins dure que les années précédentes. Il est 8 heures 30, nous effectuons une photo de groupe et nous sommes invités à rejoindre la vedette de sauvetage avec à son bord le médecin qui doit nous conduire sur la ligne de départ. Le départ est prévu à 9 heures à la sortie du port de Stavoren. Nous allons effectuer une centaine de mètres en bateau suivi des voiliers accompagnateurs.

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La course

Arrivé à hauteur des 2 phares qui matérialisent la sortie du port, on nous prie de nous mettre à l’eau. Après quelques : « Good Luck ! » et sans avoir pu gouter l’eau, nous sautons du bateau et effectuons quelques mètres pour nous aligner. C’est une sensation bizarre de se retrouver avec de l’eau douce au milieu d’un décor marin. Nous sommes dans un port avec une immense étendue d’eau à perte de vue. Un peu avant 9 heures, la corne de brume retentit, le départ est donné aux 14 nageurs. Nous nous élançons à la poursuite du bateau ouvreur. Derrière, la flottille de voiliers commence à nous rattraper. Mes premières sensations sont quelques petits frissons liés à la température de l’eau et surtout une grosse douleur au niveau de mon coude droit. Je me retrouve après 100 mètres de nage en avant dernière position. C’est parti à toute vitesse. Je suis le plus vieux et il n’y a que des jeunes. Ils ont plein d’énergie, mais auront-ils le même rythme au bout de quelques kilomètres quand les bras seront un peu plus lourds ? Les voiliers des premiers me dépassent sur la droite et la gauche. Après 500 mètres de nage, nous sommes au milieu d’un immense couloir matérialisé de part et d’autre par les voiliers. Il suffit pour nous d’aller tout droit. Mon voilier numéroté 9 se tient sur ma droite comme je l’avais demandé. Cela fait 30 minutes que je nage et mon cousin me tend mon premier ravitaillement. Je le sens un peu fébrile, c’est la première fois qu’il fait ça et je vois bien qu’il veut être à la hauteur de mes attentes. Il n’y a rien à dire, je bois mon mélange énergétique et repars à la poursuite du nageur qui me précède d’une cinquantaine de mètres. Derrière, la personne qui me suit est à plus de 200 mètres. J’en profite pour faire le point avec mon corps : ma tendinite me fait mal mais c’est supportable, mes épaules vont bien et je pense que cela doit tenir pendant les 6 heures d’effort que je me suis fixé. Tout se passe bien jusqu’à mon troisième ravitaillement. Là, je vois mon apprenti-entraîneur qui prépare ma perche de ravitaillement. Je commence à me rapprocher du bateau et lorsqu’il me la tend je suis dans l’incapacité de l’attraper. Le voilier continue sa route avec mon ravito à quelques centimètres devant mon nez. Un peu comme lorsque l’on présente une carotte à un âne pour qu’il avance. Impossible de l’attraper et je finis par voir ma boisson tomber à l’eau. Après avoir de nouveau rempli le verre, rebelote, j’augmente ma vitesse de nage pour rattraper ma boisson qui finit de nouveau à l’eau, histoire de donner de l’énergie aux poissons. Là, je commence à me poser des questions : « si ça continue, il ne me restera plus rien en fin de course ! ». Je sors la tête de l’eau et je crie au bateau de stopper. La troisième tentative se passe mieux et je peux enfin me réhydrater. J’apprendrai plus tard que pour le pilote c’était la première fois qu’il suivait un nageur et qu’il n’avait donc pas l’habitude de ce genre de situation. Heureusement pour moi, il a très vite compris et les autres ravitaillements se passeront sans encombre. Après mon troisième ravitaillement, je commence à ressentir une douleur à l’épaule gauche. Certainement due à l’effort fourni pour attraper le gobelet. Mon moral en prend un coup : une douleur au coude droit, une à l’épaule gauche et les autres nageurs qui n’ont pas l’air de faiblir. Ma motivation va vite revenir, lorsque Benjamin va m’annoncer qu’après 1h50, j’ai déjà parcouru plus de 7 kilomètres et qu’il ne me reste plus que 14,5km. J’en suis déjà au 1/3 de la course. Si je tiens le coup je peux finir en moins de 6 heures. Après un peu plus de 2 heures, un nageur abandonne. Tout en nageant je me dis : « Voilà, à partir de maintenant, ceux qui sont partis trop vite vont commencer à lâcher, je viens de gagner déjà une place ». Manque de peau, je vais vite apprendre que celui qui vient d’abandonner était derrière moi. Je suis donc maintenant en dernière position. La course devient monotone : derrière moi et sur ma gauche il n’y a que de l’eau, à droite le voilier et devant moi toute une flottille qui semble s’éloigner. Cette monotonie est de temps en temps stoppée par un vol de canards, des kayakistes qui m’encouragent, le bateau des VIP qui prennent des photos et surtout les nombreuses indications que me donne Benjamin par l’intermédiaire du tableau blanc. Il va me tenir régulièrement au courant de la distance qu’il me reste à parcourir et cela va me faire du bien moralement. Malgré des épaules lourdes je sais que je peux terminer en moins de 6 heures. Au loin, je commence à distinguer les clochers de Medemblik, je tiens le bon bout. Le premier nageur vient de terminer sa traversée en 4h22 et il me reste encore un peu plus de 5 kilomètres. Un vent léger vient de se lever et de petites vaguelettes se forment sur le plan d’eau : rien de bien méchant. En plus du voilier, le bateau du médecin m’accompagne. Il surveille que tout va bien. Il est rejoint par le bateau des VIP. Ils vont m’accompagner jusqu’à l’arrivée. Devant moi, je distingue l’entrée du chenal matérialisée par un phare vert. Au pied du phare ma femme et mes enfants sont là pour m’encourager. Il ne me reste plus que 300 mètres à faire dans le chenal. Sur les berges, les spectateurs m’encouragent et m’applaudissent. Je touche le ponton d’arrivée après 5h47 de nage et bon dernier. Deux gros balaises en tenue militaire vont me sortir de l’eau, car il n’y a pas d’échelle et après l’effort fourni, il est impossible de monter le rebord à la force des bras. Les organisateurs me félicitent et me tendent une serviette ainsi qu’un bouquet de fleurs.

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 La remise des récompenses

Pendant que je prends ma douche, les bénévoles s’activent pour mettre en place les remises de récompenses. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’on ne perd pas de temps.

Nous assistons d’abord à la remise des récompenses du championnat de Hollande puis aux différents remerciements d’usage. Vient ensuite le tour des récompenses de la traversée proprement dit. Je suis appelé au micro pour donner mes impressions sur la traversée en anglais. J’ai pu ainsi dire ma satisfaction d’avoir pu participer à cette épreuve et de l’avoir réalisée dans d’aussi belles conditions. J’en garde ainsi un très bon souvenir. Ensuite, je me vois remettre un diplôme, une plaque événementielle et la coupe …du dernier de la traversée, comme la fameuse cuillère en bois au rugby ! Ce trophée est à remettre en jeu tous les ans. Comme je ne pense pas revenir l’année suivante, j’ai donc laissé le trophée sur lequel mon nom sera gravé et qui sera mis bien en évidence au bar. Les organisateurs vont me remettre également la feuille remplie par le juge lors de ma traversée. Je vais apprendre qu’en tout et pour tout, au court des 22 kilomètres, je me suis arrêté exactement 3 minutes 40 pour me ravitailler. Mais également que j’ai nagé avec une fréquence de nage de 68 mouvements de bras par minute, soit un total de 23600 mouvements de bras. Dis comme ça, mes épaules méritent bien quelques jours de repos et une bonne séance de massage.

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