Les îles du Salut au large de Kourou, en Guyane Française, sont surtout connues pour le bagne qu’elles ont abrité. Elles furent d’abord nommées « Îles du Triangle » (en raison de leur disposition) par les premiers explorateurs puis prirent ensuite le nom sinistre d’« Îles du Diable » en raison des forts courants marins qui rendait leur accès très périlleux. C’est Jean-Baptiste de Chanvalon qui leur donna leur nom en 1763, quand il y installa des colons survivants d’une épidémie.
Ensuite, détenus politiques et condamnés de droits communs vont se succéder de 1849 à 1946. Elles virent passer le Capitaine Dreyfus, Guillaume Seznec et le légendaire Henri Charrière, plus connu sous le surnom de Papillon qui inspira le film avec Steve Mc Queen et Dustin Hoffman en 1973. Les conditions de détention dans ce bagne étaient inhumaines. Il faut dire que le climat chaud et humide, la présence continuelle de moustiques et d’araignées venimeuses n’en faisait pas un lieu idéal de villégiature. Les bagnards ne survivaient en moyenne guère plus de cinq ans dans ces conditions. Si l’idée leur venait de vouloir s’évader, le seul moyen de s’en échapper était la nage et, malgré une eau chaude, ce sont les courants et les requins qui les attendaient, empêchant ainsi toute velléité d’évasion.
De l’île Saint Joseph à Kourou – 14km
L’Ile St Joseph, l’une des 3 îles que composent les îles du Salut, fut choisie pendant la période du bagne, comme lieu de réclusion cellulaire, d’asile de fous et de cimetière des surveillants. Le traitement des forçats lui valut d’être surnommée « l’île du silence », « la mangeuse d’homme » ou qualifiée de « guillotine sèche ». Des ruines importantes y subsistent, envahies par la végétation, ce qui donne à l’endroit une ambiance très particulière.
Pour Ned Denison (nageur irlandais de 58 ans), Jills Vanegas (nageur Guyanais de 46 ans) et moi-même, ce sera notre lieu de départ pour tenter de nous évader à la nage. Le mercredi 17 février 2016, revêtus d’un simple maillot, de lunettes et d’un bonnet de bain nous sommes prêts à nous élancer depuis le ponton de l’île pour une traversée dans l’océan Atlantique et relier les 14km qui nous séparent de la terre ferme à Kourou. La météo annonce une mer agitée et des vents soufflant à 30km/h. C’est à 12h33 que nous plongeons dans une mer à 26.6°C, c’est beaucoup plus que les 18°C que l’on connaît habituellement. Il va falloir gérer différemment pour éviter l’hyperthermie.
Dès le départ, le vent occasionne des clapots et des courants de surface qui nous font dévier de la trajectoire. Nous faisons une totale confiance à notre pilote de bateau qui nous accompagne et nous indique le cap à suivre. Il s’agit de Bruce Foulquier, de l’école de voile de Guyane, un local qui connaît très bien les lieux. Dans cette première partie, on s’oriente vers Cayenne, une direction impensable lorsque l’on veut aller vers Kourou depuis les îles. Mais les courants et le vent nous obligent à nager « en crabe » pour dériver le moins possible.
Dans l’eau, on ne distingue rien, elle est couleur marron. Quelque part, c’est préférable car cela nous évite de voir la vie marine parait-il abondante dans les parages. A l’époque du bagne, les requins étaient très nombreux. Les morts étaient d’ailleurs jetés en pâture aux requins qui rappliquaient au son de la cloche annonçant le festin…
Tout se passe bien pour le moment, nous écoutons attentivement les consignes de nos accompagnateurs, Andrea Egea et Michael Mac Krabe, sur le bateau chargé de nous ravitailler toutes les 30’. Nous buvons et nous alimentons comme nous pouvons tout en nous laissant dériver par un courant défavorable.
Après mon premier ravitaillement, je sens une décharge électrique sur mon bras : le filament d’une méduse vient de s’accrocher et le mouvement l’entraîne sur mon épaule. J’ai l’impression que mon épaule est paralysée. Je ne distingue rien dans cette eau marron et j’espère qu’il n’y en a pas d’autres. Celles que j’appelle communément les « Gardiennes des îles-prisons » viennent encore de frapper. Mes compagnons de nage n’ont pas l’air d’y avoir eu droit. La brûlure occasionnée par la piqûre va être douloureuse pendant plus d’une heure trente de nage et me laisser une jolie marque les jours qui suivront.
Arrivés au milieu de l’Atlantique et une fois moins abrités par les îles, les conditions extrêmes pour nous sont au rendez-vous. On a des creux de 2 mètres, un vent à plus de 30km/h et des courants peu favorables. Nous montons et descendons au gré des vagues, nous avons l’impression d’être dans un manège ou une lessiveuse.
Arrivés au 2 tiers, nous venons de réaliser le plus dur. Grâce à notre super pilote, nous avons réalisé une très bonne trajectoire. A partir de maintenant, plus nous nous approchons de la côte et plus nous allons nous faire aspirer vers elle grâce aux courants de marée générés par les effets de la marée montante. A grande vitesse, toujours secoués dans une mer agitée et parfois noire comme si on était en pleine nuit, nous nous approchons enfin du rivage.
Portés par le courant et les vagues, nous atteignons notre but en 3h45. Après s’être embourbés dans les alluvions, nous allons à la rencontre des nombreux supporters venus nous accueillir sur la plage. Nous sommes heureux d’avoir pu réaliser cette très belle traversée à 3 pour la cause que je soutiens qui est celle de France Choroïdérémie !
Les détails de notre parcours : on s’aperçoit qu’au final, malgré les courants défavorables mais grâce au bons conseils de notre pilote de bateau Bruce Foulquier, notre trajectoire a été parfaite.