Nager pour se faire plaisir, c’est bien, mais le faire pour une cause c’est encore mieux… plein de challenges qui peuvent être facilement médiatisé me passe par la tête. Le premier qui me vient de suite à l’esprit a lieu dans notre capitale, Paris.
Un peu d’histoire
Au début du 20ème siècle, le public et la presse se passionnent pour les épreuves de grand fond comme le Bol d’or (courses de 24 heures) ou le Tour de France cycliste. En natation, il a souvent été question de relater les tentatives infructueuses de la traversée de la Manche.
En 1905, le journal « L’Auto » a l’idée originale de réunir en fin de saison tous les champions de la Manche et autres champion de natation lors d’une grande manifestation populaire au sein de la capitale : « la traversée de Paris à la nage»
Les nageurs vont avoir à effectuer le dimanche 10 septembre 1905, un parcours d’environ 12km en descendant le cours de la Seine du Pont National jusqu’au Viaduc d’Auteuil (de nos jours en amont du pont du Garigliano), soit une traversée complète de la capitale.
Cette année là, ils sont huit nageurs à prendre le départ et seulement quatre à terminer le parcours. Le nageur Français Paulus, grand vainqueur de l’époque effectue le parcours en 3h29’. …
La dernière édition de cette traversée sur ce parcours complet de la ville a lieu en 1926.
Un projet pour une cause
En 2005 après avoir participé au tour de Manhattan à la nage aux couleurs de l’association France Choroïdérémie, je me dis que réédité une telle traversée peut être un bon coup médiatique pour faire connaître cette maladie génétique rare. En effet, peu connue, la choroïdérémie cause une perte progressive de la vue et atteint presque exclusivement les hommes. L’association a pour mission de créer des liens entre les malades, leur famille et tous les sympathisants en France et dans le monde, d’informer le public, les malades et les organismes d’état sur la choroïdérémie et d’aider la recherche scientifique.
Reste maintenant à obtenir les autorisations car la Seine est réservée aux péniches et bateau-mouche mais certainement pas aux nageurs. C’est ce que va entreprendre avec beaucoup d’énergie la secrétaire de l’association. Si nous parvenons à obtenir toutes les autorisations et si la météo le permet, ce grand projet aura lieu le dimanche 10 septembre 2006 : Je traverserai Paris à la nage, en maillot, dans toute sa longueur sur une distance de 12 km.
Ouf ça y est ! Une semaine avant nous avons enfin toutes les autorisations (mairie, préfecture, brigade fluviale, et … ma femme !). Mon carnet de vaccination est à jour. Je suis paré contre les hépatites A et B, la typhoïde et la leptospirose.
La traversée
En ce dimanche 10 septembre, la météo est au beau fixe. Le rendez-vous est prévu à 7h00 à la Brigade Fluviale. Nous sommes très bien accueillis et prenons un café en discutant au sujet du déroulement de la matinée à venir.
Nous embarquons à 7h20 sur le bateau « Cronos » de la Brigade avec à son bord : Didier et François (policiers) pour me piloter, Clémence (vainqueur de Koh-Lanta 2005) pour me ravitailler, Simon (Capitaine de l’Equipe de France natation) pour prendre les temps de passages, Marie Cath. (Secrétaire de l’association), Fabienne (ma tendre épouse, avec, nous l’apprendrons quelques jours plus tard, notre petite Lilou dans son ventre) pour les photos et la journaliste du « Parisien ». Je vais descendre la Seine sur le même parcours qu’avaient effectué les nageurs de la première traversée de Paris à la nage et terminerai légèrement plus loin à hauteur du pont du Garigliano.
Cent un ans après, jours pour jours, je plonge sous le Pont National à 7h32. La température de l’eau dépasse les 18°C et le courant est très faible, voire nul par endroit.
Je commence ma visite de Paris à la nage en remontant la Seine par la rive droite. Je vais ainsi pouvoir admirer tous les monuments de Paris qui bordent la Seine. Je suis dérangé quelquefois par le passage de péniches qui créent quelques ondes gênantes.
Il est huit heures, le long du parcours, joggeurs, touristes et badauds interloqués s’arrêtent…puis ils m’encouragent. Certains vont même me suivre en marchant. A chaque pont, mes fidèles supporters, Jean-Yves et Alexandra, sont présents, pour siffler et crier afin de m’accompagner dans l’effort. Ils seront d’ailleurs rejoints au fil de la Seine par des anciens nageurs de Montpellier exilés à Paris ainsi que par des adhérents de l’association France Choroïdérémie.
C’est l’heure du ravitaillement, Clémence me tend ma boisson énergétique qu’elle me donnera par la suite toutes les demi-heures. J’avale rapidement quelques gorgées et repars sous les regards de fêtards qui rentrent se coucher. Il y en a même qui bien éméchés commencent à se déshabiller pour me rejoindre. La brigade fluviale ne leur en laisse pas le temps. Ils assurent ma sécurité et veille à ce qu’il n’y ait aucun incident. Ils sont formidables et d’un grand professionnalisme. Ils manœuvrent le bateau sans trop s’éloigner de moi et sans me gêner tout en gardant une trajectoire droite. Lors des passages des bateaux mouches, ils se mettent sur ma gauche pour casser les vagues.
Je passe au pied de la tour Eiffel, l’instant est magique ! Les bénévoles de l’association ont installé un stand au pied de la tour afin de faire connaître la maladie et ils m’encouragent. Je repars de plus belle sous les yeux des touristes de plus en plus nombreux. Je nage à une vitesse de plus de 5 km/h.
La fin du parcours est un peu plus tristounet…il y a moins de monuments à admirer. Après avoir passé les 25 ponts et passerelles du parcours, j’arrive enfin à hauteur du dernier pont parisien, celui du Garigliano. Je termine la traversée de la Seine en 2h 18’19’’. La presse nous a rejoint et m’interview.
De retour au pied de la Tour Eiffel, je suis accueilli par le public, les adhérents de l’association et la presse. Je suis ravi, je viens de traverser entièrement la capitale en maillot et l’objectif de faire connaître l’association est rempli. Sur Internet, je vais même découvrir un article en japonais relatant la traversée.
L’association se joint à moi pour dire un grand merci et un grand bravo à la Brigade Fluviale pour leur professionnalisme et leur gentillesse. Un grand merci aussi à la jeune journaliste du « Parisien » qui a suivi toute la traversée à borf du zodiaque.